Antoine MARTINEZ Colloque d'Etampes, 26 novembre 1997

 

Institué dans le cadre d'une Association ou pas, le sport a fait sa place dans les institutions. A l'époque où le quotidien des malades mentaux se résumait à une alternative entre l'enfermement dans les services surchargés et le travail à l'ergothérapie, à la fabrication de cintres ou autres objets dérisoires, voire à la participation aux travaux ménagers, il était préférable pour certains, plus doués sans doute pour la pratique des sports, de taper dans un ballon sur une pelouse de liberté.

De même, pour les Infirmiers, dont la polyvalence était péjorativement reconnue, entre la serpillière et une activité de plein air, le choix était vite fait.

De cet isolement où les avait maintenu l'isolement des patients, il fallait s'évader et c'est ensemble qu'ils le firent. On fait du sport le plus souvent du football, discipline populaire s'il en est, et à l'apprentissage facile, à l'intérieur des Etablissements. On dynamise ainsi la relation soignante soignée en faisant tomber le cloisonnement entre services.

Très vite, on veut aller à la rencontre des autres, passer les murs, pour partager avec les Hôpitaux voisins. On favorise ainsi la resocialisation des patients, par la participation à des compétitions sportives, dont on fait l'apprentissage des règles. Les Infirmiers, quant à eux, peuvent échanger sur leurs pratiques.

Les premiers tournois inter hôpitaux s'organisent dans les régions, et à l'annonce de la création de l'UASHPF, la première assemblée générale, le 23 septembre 1964 présidée par le Docteur Fellion, réunit une trentaine d'établissements à Mayenne.

De l'hôpital à la région, puis sur l'ensemble de l'Hexagone, la communication, les échanges, vont se multiplier, et l'adhésion des Etablissements à l'Union va contribuer à la reconnaissance des activités physiques et sportives dans les Hôpitaux Psychiatriques. Resocialiser les patients, lutter contre la ségrégation dont sont victimes les malades mentaux, constituaient les premiers objectifs.

On a peu écrit sur cette époque. Le corps médical était, à quelques exceptions près indifférent ou peu concerné. Quant aux Infirmiers, dont le travail dans l'encadrement des activités sportives était remarquable, il leur a été reproché plus tard, parce que dommageable pour la profession, de n'avoir pas concrétisé par écrit la foule d’observations qu'ils avaient pu faire dans l'exercice de ces activités

A partir des années 70, la mise en application de la politique de secteur va bouleverser fondamentalement l'organisation des soins. En même temps que l'Hôpital devient le pivot de l'ensemble du dispositif d'Hygiène Mentale, la prise en charge des patients, dans des structures diversifiées, va, dans un premier temps, rendre plus difficile l'organisation des activités sportives, puis va obliger à une révision des pratiques.

Le cadre unique éclate. Le groupe de collaborateurs du Médecin s'enrichit en compétences, en qualifications et en nombre. Alors que l'Hôpital va progressivement se vider de ses malades chroniques, nombreux sont les médecins à s'opposer à une activité sportive qui rappelle le fonctionnement des grandes institutions du passé et qu'ils considèrent facteur de chronicisation. Le corps médiateur du soin était-il vraiment reconnu ? Beaucoup plus nobles étaient considérés d'autres médiateurs, qui s'inscrivaient dans un champ culturel et artistique permettant toutes les évasions de l'esprit.

Dans le même temps, on se dispute des parts de budget allant sans cesse en rétrécissant. L'Hôpital a évolué, et bien il faudra inscrire l'évolution de la pratique sportive dans ce changement.

Dés 1981, l'UASHPF crée une Commission d'Etude et de Réflexion qui permet la confrontation des idées et l'évolution des pratiques. On s'est fixé un objectif de changement, il faut se doter des moyens pour y parvenir. En 1986, l'UASHPF, agréée comme Organisme de Formation, va offrir progressivement un panel de formation pour les Infirmiers encadrant les activités physiques et sportives.

Nous passons une Convention de Partenariat avec la Fédération du Sport Adapté, avec qui nous menons notamment trois types de formation:

Les activités aquatiques,
L'initiation à la voile croisière,
La place des A.P.S. dans le projet de soin.

En 1998, nous étendrons notre partenariat avec la Fédération Française d’Activités Physiques et de Pleine Nature, sur un projet d'animation physique pour personnes âgées dépendantes. Demain, aujourd'hui pourrait-on dire, les contrats d’objectifs et de moyens, la démarche assurance qualité, démarche préalable à l'accréditation, autant d'éléments qui obligeront à recentrer l'activité physique dans le projet de soins, pour une reconnaissance thérapeutique de cette activité. Cette démonstration s'appuiera, je le crois, sur la mise en commun d'un savoir sportif et d'un savoir soignant. Certains regretteront la polyvalence du passé, mais l'avènement du diplôme va, je crois, plus qu'auparavant, obliger à travailler dans la complémentarité.

Nous avons à Lyon, pris le parti d'engager un professeur d’éducation physique issu de I'Université, section Sports Adaptés. La place et le rôle du Professeur d'Education Physique et Sportive en secteur Psychiatrique doit nous renvoyer, non pas à la question d'intégration d'un autre corps de métier, mais bien plutôt amener une réflexion sur l'ouverture du milieu Psychiatrique.

Assurer le maintien de la santé physique ou sa réhabilitation, contribue aussi au développement de l'autonomie de la personne, dans toutes ses dimensions, et favorise l'inscription identitaire dans le champ social et culturel. Cet aspect du dispositif thérapeutique devra être pris en compte avec le concours d'un spécialiste de la pratique sportive, seul qualifié pour mobiliser les potentiels physiques dans le cadre d'un programme adapté à chacun.

La Convention de Collaboration avec l'Université ouvrira des terrains de stages pour des étudiants dans des axes de recherche avec les équipes médicales et soignantes, sur des pathologies ciblées avec mise en forme de protocoles adaptés.

C'est ainsi que vis-à-vis de l'Administration, les activités physiques et sportives seront considérées comme des méthodes thérapeutiques à part entière.

Enfin et j'en terminerai là : ne laissons pas sur le bord de la route cette minorité de patients dont on dit qu'ils n'ont pas de perspectives, d'autonomie et donc de réinsertion sociale.
Même pour eux il y a toujours quelque chose à faire.

© Sport-en-Tête

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